La prévention des troubles de l’oralité en néonatalogie

Bibliographie

V.Leroy-Malherbe et P.Laigle « Modalité d’approche des troubles de la déglutition chez le nourrisson et l’enfant », Médecine et Enfance, juin 2002, pages 325à 334

C.Mastausch « Psychomotricité et oralité, une approche spécifique en réanimation néonatale », Rééducation orthophonique, n°220, décembre 2004, pages 103 à 111.

B.Golse, M.Guinot «  La bouche et l’oralité », Rééducation orthophonique, n°220, décembre 2004, pages 23 à 29.

V.ABADIE "Troubles de l'oralité du jeune enfant", Rééducation orthophonique, no 220 ,décembre 2004, vol. 42, pp. 55-68 

La constatation a été faite qu’un certain nombre d’enfants ayant séjourné un long moment en réanimation néonatale souffrent de troubles de l’oralité (refus de manger par voie orale, réflexe nauséeux, troubles de la succion/déglutition…)

Dans le service où se déroulait mon stage, plusieurs soignants (infirmières, kinésithérapeutes…) se sentaient démunis face à se problème.

J’ai souhaité comprendre  quelles pouvaient être les origines de ces troubles, les conséquences à long terme qu’ils pouvaient entraîner et quelles interventions pouvaient proposer le psychomotricien pour les prévenir.

L’immaturité de l’appareil digestif du prématuré nécessite un apport alimentaire progressif. Lorsque cette immaturité est trop importante, l’enfant est nourri par un cathéter (voie parentérale) ce qui évite le processus de digestion. Puis progressivement, une alimentation par « gavage » ou alimentation entérale viendra stimuler l’appareil digestif de l’enfant dans un premier temps pour devenir mode de nutrition exclusif ensuite. Les tentatives d’alimentation par voie orale ne peuvent s’organiser avant trente-deux semaines de gestation, âge physiologique d’une succion efficace. En effet, Preschtl a démontré que la succion était acquise in utero dès la 15e semaine, mais la coordination succion/déglutition/respiration n’est vraiment mature qu’a la 34è semaine. Cette immaturité signe l’incompétence de l’enfant prématuré et sa fragilité. Dans le cas d’un souhait d’alimentation par allaitement, voila un premier obstacle pouvant mettre à mal l’interrelation mère-enfant. En effet, les temps de gavage ne font pas l’objet d’une interaction avec un adulte et place la mère dans une situation d’impuissance.

Celle-ci va être contrainte de tirer son lait pour conserver la possibilité d’allaiter une fois la maturité digestive de l’enfant acquise.

Durant des périodes critiques du développement en réanimation, l’enfant manque d’expérience alimentaire (Les apports alimentaires sont quasi constants. le bébé ne ressent ni la sensation de faim, ni la sensation de satiété associée à l’absorption du lait, et donc échappe à la frustration mais aussi au plaisir de sentir le lait chaud passer dans son corps, de sentir son ventre se remplir...). Il subit des agressions péri-orales (sonde d’intubation ou sonde d’alimentation nasogastrique, aspirations répétées douloureuses.) Peuvent s’ajouter une pathologie du tube digestif (reflux gastro-œsophagien, entéropathie, …). L’enfant construit ainsi son schéma corporel sur un vécu douloureux « morcelant » le corps. L’enfant anticipe de plus en plus les situations douloureuses. Cette anticipation peut s’exprimer par une situation de stress marquée par une agitation, mais également par un repli de l’enfant dépassé par la situation. L’enfant met en place différents mécanismes de défense tels que le désinvestissement corporel, le retrait. Les troubles de l’oralité ne seraient qu’une expression de cette attitude défensive.

Connaissant l’importance de la place de l’oralité dans le développement psychoaffectif du nourrisson, quelles peuvent être les conséquences d’un désinvestissement de la sphère orale ?

Le stade oral décrit par Freud est la première phase du développement de la sexualité infantile. Tous les plaisirs sont apportés essentiellement par la bouche et la succion auxquels s'ajoutent, petit à petit, d'autres plaisirs sensoriels (toucher, vue, audition) tournés vers la mère. De la pulsion d’autoconservation va progressivement se détacher la pulsion sexuelle, l’enfant utilisant le suçotement pour retrouver le plaisir déjà éprouvé par la succion. Les lèvres, la cavité buccale, la langue mais aussi le tube digestif et les organes de phonation appartiennent à la zone bucco-labiale, première zone érogène que l'enfant utilise pour découvrir le monde. En portant tout à sa bouche, l'enfant cherche à faire entrer dedans tout ce qui est dehors et comprend ainsi qu'il existe un dehors différent de lui. Ainsi il se distingue des objets et des autres. Pour Freud, le premier objet pulsionnel est le sein ou le biberon qui, en dehors de l'apport alimentaire, procure une excitation de la région bucco-linguale, source de plaisir. L’enfant cherche à prolonger cette sensation de plaisir en suçant son pouce.

Ainsi la sphère péribuccale est à la fois :

On peut donc imaginer les troubles ultérieurs qui peuvent apparaître liés aux troubles de l’oralité.

De plus, les difficultés alimentaires précoces ont un retentissement sur la qualité de l'accordage mère-enfant, qu'il faut considérer. La mère peut se sentir coupable de ces difficultés à alimenter son enfant, ses capacités de "bonne mère" seraient remises en question.

Comment la psychomotricité pourrait participer à la prévention les troubles de l’oralité ?

  • Prévenir les troubles de l’oralité en aidant l’enfant à retrouver des sensations de plaisir au niveau de la sphère orale, lui donner la possibilité d’investir cette zone corporelle, de l’intégrer dans son schéma corporel.
  • Succion non nutritive, en dehors et pendant les temps de gavage (afin que l’enfant puisse lier satiété et succion, qu’il retrouve un plaisir dans la succion, mais aussi pour stimuler le réflexe de succion qui peut se perdre s’il n’est pas entretenu).
  • Toucher sensoriel de la sphère péri-orale : les joues, les lèvres, la langue, afin de réintégrer cette zone corporelle dans le schéma corporel de l’enfant et lui redonner un sentiment de corps unifié.
  • Sollicitations gustatives dès que possible permettant à l’enfant d’aborder la découverte du goût, de la texture, de l’odeur.
  • Intégrer la mère aux stimulations orale afin de permettre les interactions qui auraient lieu normalement lors de l’allaitement. Lui permettre de projeter son enfant comme un être compétent dans l’allaitement.