La douleur chez le bébé prématuré

A lire

CICCONE A., (1995), « L’expérience de la douleur psychique chez le bébé », Pratiques Corporelles, n° 107, p. 3-7

GAUVAIN-PIQUARD A., (1997), « La douleur physique chez le jeune enfant », Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence, n° 45, p. 172-179

SIZUN J., (2002), « Prise en charge de la douleur et du stress chez le nouveau-né en réanimation », Actualités en kinésithérapie de réanimation, Editions scientifiques et médicales Elsevier, p. 196-200

Article de Mlles Morgane GUEGUEN,et Céline WAROQUIER, psychomotriciennes D.E

Présentation de la douleur

B.Golse définit la douleur physique comme "une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à un dommage tissulaire réel ou virtuel".

Jusque dans les années 1980, la douleur chez l'enfant et a fortiori chez le prématuré a été niée. Les nourrissons étaient parfois opérés sans anesthésie et les soins médicaux douloureux réalisés sans analgésie, ni sédatif. En effet, les médecins pensaient que le système nerveux de l'enfant était trop immature pour ressentir la douleur et qu'aucune mémorisation n'existait. Aujourd'hui, tout le monde s'accorde sur le fait que les bébés (à terme et prématurés) sont sensibles à la douleur et qu'il est important de la prendre en charge.

Les études actuelles estiment que les structures anatomiques, physiologiques et biochimiques nécessaires à la perception de la douleur sont ainsi en place dès la 24ème SA. Même le plus petit prématuré dispose de tout le système de transmission de la douleur. De plus, chez lui, cette perception est plus diffuse dans l'espace et plus durable dans le temps. J. SIZUN parle également de l'existence d'un seuil bas de la douleur chez le prématuré et donc d'une hypersensibilité, d'une allodynie, les mécanismes d'atténuation de la douleur n'étant fonctionnels que plus tardivement. L'enfant prématuré ressentirait donc la douleur de façon plus intense, plus diffuse et plus prolongée qu'un enfant à terme. Quant à L. VAIVRE-DOURET, elle évoque le fait que " la survenue d'une douleur en période périnatale serait susceptible de provoquer un bourgeonnement définitif des récepteurs périphériques, véritable mémoire biologique de la première douleur sur un système nerveux immature ". Des épisodes douloureux répétés pourraient même entraîner des altérations durables du développement neuro-comportemental à l'âge adulte.

La souffrance corporelle du bébé prématuré

En néonatalogie, le corps du bébé fait l'objet de toutes les attentions médicales. Il reçoit des soins vitaux indispensables mais dans une grande majorité douloureux. La peau du nouveau-né est ainsi percée, malmenée et les orifices naturels détournés de leurs fonctions naturelles (ombilic maintenu perforé pour mettre un cathéter, narines envahies de tuyaux…). Elle ne peut donc plus jouer son rôle de contenant. Le plaisir oral risque également d'être désamorcé, ce qui pourrait avoir des conséquences sur le plan de l'alimentation et du développement du langage. Le bébé prématuré apparaît alors plus comme un objet de soins, qu'un sujet à part entière et son corps risque d'être associé à la douleur. De plus, le nouveau-né peut également présenter une pathologie douloureuse comme l'entérocolite, subir des opérations chirurgicales et/ou être soumis à diverses sources de surstimulations… C'est pourquoi il paraît essentiel de se préoccuper de son confort et de l'aider à ce qu'il se constitue l'image d'un corps plaisir.

La souffrance psychique du bébé prématuré

La douleur psychique du bébé en néonatalogie est représentée par l'angoisse de la séparation d'avec la mère, le stress provoqué par les soins et le débordement du système de pare-excitation. De plus, une douleur physique intense et prolongée peut provoquer une souffrance psychique et une désintégration de l'appareil psychique.

Face aux angoisses corporelles, au traumatisme de la naissance et de la séparation, "le bébé a besoin de trouver un objet secourable lui permettant de retrouver un état d'intégration ", il a besoin d'un environnement qui le contient et qui assure son sentiment de sécurité interne. En effet, si ces angoisses sont normales chez le nourrisson, il faut qu'elles soient comprises par un autre pour qu'il puisse se contenir seul, échapper à la désintégration et ressentir un sentiment d'exister, de confiance en soi et de continuité. Dans le cas d'une naissance prématurée, l'enfant ne peut bénéficier de la sollicitude maternelle particulière aux premiers jours de sa vie, celle-ci n'étant pas toujours auprès de lui. Il va alors utiliser ses propres moyens de défense, archaïques et immatures : accrochage du regard à un point lumineux, agrippement à la sonde…

Ces nombreuses attitudes, souvents interprétées comme fonction purement reflexe, sont révelatrices d'angoisse et de demande de la part de l'enfant prématuré. Porteuses de sens, elles sont "suscetibles de révéler certaoins aspects de la vie émotionnelles de l'être humain à l'aube de la vie." (H.Stork).

L'enfant s'agrippe aux tuyaux qu'il arrive fréquement à arracher, à sa peau ce qui entraîne parfois des griffures. Ce sont la des tentatives du bébé à sentir sa propre enveloppe corporelle, une tentative pour se sentir vivant et entier.

"L'enfant qui souffre et [...] vit sans doute des sensations morcelantes [...] essaie de trouver un moyen pour se rassembler en un point extérieur ou intérieur de son corps" (C.Druon). Par cette attitude, il semble lutter contre les effets désorganisateur de la douleur, mais également contre une angoisse de morcellement, voir d'anéantissement. En s'agrippant en un point localisé, l'enfant tente de se rassembler autour de ce point.

La sémiologie de la douleur

Les conséquences de la douleur chez le prématuré

Toute douleur forte et prolongée chez l'enfant prématuré risque de lui faire perdre le sentiment de la continuité d'exister et s'intègre au niveau psychique comme une rupture de l'état de bien-être. Les douleurs prolongées peuvent également aboutir à la construction d'un schéma corporel morcelé et à une modification profonde de l'image corporelle. Enfin, P. BENSOUSSAN évoque le risque que cette expérience douloureuse ait des effets à long terme dans la vie de l'individu. C'est pourquoi il est nécessaire de prendre en charge la douleur du prématuré, afin de rétablir un certain bien-être et d'éviter toute conséquence sur son développement physique et psychique.

Evaluation de la douleur

Le prématuré dépend de son entourage pour repérer évaluer et soulager sa douleur. L'évaluation de la douleur est une étape fondamentale de la prise en charge de l'enfant prématuré et se fait à l'aide de grilles et d'échelles d'évaluation (PIPP, EDIN…). Celles-ci prennent en compte les modifications comportementales, et physiologiques de l'enfant.

La prise en charge de la douleur

Actuellement, les médecins prescrivent des médicaments antalgiques, anesthésiques et sédatifs, à des doses adaptées au poids et à l'âge des bébés. De plus, l'administration d'une solution de saccharose (analgésie sucrée) et/ou l'application de la crème anesthésiante de type EMLA (anesthésique locale) sont de plus en plus utilisées avant un acte douloureux.

Cependant, comme l'indique M. FELDMANN, les médicaments peuvent comporter des effets secondaires à plus ou moins long terme pour le nouveau-né. C'est pourquoi des traitements non médicamenteux sont développés dans les services de néonatalogie. Le psychomotricien, par ses actions, va contribuer à la prévention, à la diminution de la douleur et à la recherche du confort du prématuré. J. SIZUN rappelle quant à lui l'importance des soins de développement. Ces actions, qui tiennent compte des besoins de l'enfant prématuré, contribuent à diminuer son niveau de douleur et de stress.